La réforme fiscale du gouvernement fédéral a fait couler beaucoup d’encre, notamment en ce qui concerne les changements apportés aux règles d’imposition du revenu passif des sociétés privées. Mais ni nos clients ni leurs comptables n’ont pas encore ressenti les répercussions de ces nouvelles mesures.

En revanche, nous n’avons pas assez discuté des conséquences du budget provincial, déposé le 27 mars 2018, lequel prévoit une augmentation importante du taux d’imposition intégré sur les revenus tirés de placements passifs d’une société.

Revenu de placements et déduction accordée aux petites entreprises (DPE)

La DPE permet à une petite entreprise exploitée activement de bénéficier d’un taux d’impôt réduit sur les premiers 500 000 $ de ses revenus. Cette limite de 500 000 $ est appelée « plafond des affaires ». Le gouvernement fédéral a resserré les règles d’admissibilité à la DPE en ce qui concerne les revenus passifs d’une société privée sous contrôle canadien dépassant 50 000 $. Au-delà de 50 000 $, chaque dollar de revenus passifs réduira de 5 $ le plafond des affaires, jusqu’à concurrence de 150 000 $ en revenus passifs, auquel cas le plafond des affaires atteint zéro.

Lorsque le plafond des affaires est nul, le revenu actif de l’entreprise ne sera pas imposé au taux réduit (14 % pour 2020), mais au taux général (26,50 % pour 2020).

Les nouvelles règles relatives à la DPE et au remboursement au titre de dividendes sont applicables aux années d’imposition ultérieures à 2018.

L’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD)

Avant la réforme fiscale, il n’y avait qu’un seul compte d’IMRTD composé de la fraction remboursable de l’impôt de la partie I versée sur les revenus de placement (qui correspond à 30,66 % des revenus de placement totaux) et du total de l’impôt de la partie IV(que la société verse sur des dividendes reçus de sociétés privées). Lorsqu’une société déclare un dividende, elle peut récupérer l’IMRTD. Depuis 2019, il y a deux comptes d’IMRTD.

Dans l’ensemble, le fédéral limite le remboursement au titre de dividendes dans les cas où une société privée verserait des dividendes non déterminés. Une exception est prévue en ce qui concerne l’IMRTD qui provient de dividendes de portefeuilles déterminés reçus par la société, en vertu desquels la société pourra obtenir un remboursement au titre de dividendes lors du versement de dividendes déterminés. Pour ce faire, il faut désormais calculer le remboursement au titre de dividendes de la société privée en se rapportant à deux nouveaux montants : l’impôt en main remboursable au titre de dividendes déterminés (IMRTD déterminé) et l’impôt en main remboursable au titre de dividendes non déterminés (IMRTD non déterminé), qui remplaceront l’IMRTD auparavant utilisé.

L’IMRTD déterminé comprend l’impôt de la partie IV et l’IMRTD ordinaire (non déterminé) inclut la fraction remboursable de la partie I.

Il existe une règle transitoire : si le compte de revenu à taux général (CRTG) d’une société affiche un solde au début de l’année fiscale 2019, elle peut transformer l’IMRTD existant en IMRTD déterminé.

Les effets de la baisse du taux réduit au Québec

Au Québec, on perd déjà la DPE depuis 2017 si le nombre d’heures rémunérées des employés dans une société est inférieur à 5 500 heures. Cependant, le nouveau régime fédéral s’applique également aux sociétés privées québécoises.

Voici un aperçu des taux au Québec depuis l’adoption du budget provincial de mars 2018. Les changements suivants sont constatés : baisse du taux réduit des sociétés, augmentation du taux d’imposition des dividendes et baisse du crédit d’impôt pour dividendes.

Taux / Année Avant
budget
2018
Après
Mars
2018
2019 2020 2021
Société
Petit Taux 18,00 % 17,00 % 15,00 % 14,00 % 13,00 %
Sans 5500 heures 21,70 % 21,70 % 20,60 % 20,50 % 20,50 %
Général 26,70 % 26,70 % 26,60 % 26,50 % 26,50 %
Revenu de pacement (net de l'IMRTD) 19,70 % 19,70 % 19,60 % 19,50 % 19,50 %
Dividende
Déterminé (taux maximum) 39,83 % 39,89 % 40,00 % 40,11 % 40,11 %
Ordinaires (taux maximum) 43,94 % 44,83 % 46,25 % 47,14 % 48,02 %
Crédit d’impôt pour divi-dende ordinaire 17,08 % 16,31 % 14,58 % 13,80 % 13,04 %
Crédit d’impôt pour divi-dende déterminé 26,92 % 26,88 % 26,80 % 26,72 % 26,72 %

Analysons les changements du taux au Québec. Le taux d’imposition sur la première tranche de 500 000 $ des revenus actifs diminuera, et la majoration sur les dividendes ainsi que sur le crédit d’impôt pour les dividendes sera ajustée en conséquence. Toutefois, le taux appliqué aux autres types de revenus de la société reste stable. À partir de 2019, un actionnaire paiera donc plus d’impôts sur les revenus non admissibles à la réduction du taux d’imposition.

Examinons le même scénario pour deux années différentes. Supposons qu’en 2018, avant le budget déposé en mars 2018, une société dont les revenus s’élèvent à 300 000 $ devait payer 21,70 % en impôts, car elle n’est pas admissible au taux réduit au Québec.
Elle verse un dividende ordinaire à son actionnaire. En 2019, ses revenus sont stables, mais le taux d’imposition des sociétés diminue à 20,60 % et le taux d’imposition des particuliers sur le dividende ordinaire est de 46,25 % (supposons que les revenus de l’actionnaire sont assujettis au taux maximal).

2018 avant le budget provincial

Impôt de société : 300 000 $ x 21,70 % = 65 100 $
Dividende versé : 234 900 $
mpôt personnel (43,94 %) : 103 215 $
Impôt total (société et particulier): 168 315 $

2019

Impôt de société : 300 000 x 20,60% = 61 800 $
Dividende versé : 238 200 $
Impôt personnel (46,25%) : 110 168 $
Impôt total (société et particulier) : 171 968 $

Si on compare les deux scénarios, il est évident que l’impôt total augmente en 2019. Et l’augmentation de l’impôt en 2021 sera encore plus significative. En 2021, l’actionnaire d’une société paiera 4,85 % plus d’impôts (au taux d’imposition maximal) sur un dividende ordinaire provenant de revenus de placement passif, et 5,37 % plus d’impôts sur le dividende ordinaire provenant de revenus actifs assujettis au taux d’imposition fédéral réduit, mais assujetti au taux régulier au Québec, ce qui représente une augmentation substantielle.

Stratégies à utiliser

Il faut analyser chaque cas indépendamment mais, compte tenu de l’augmentation du taux d’imposition intégré sur les revenus de placement, il est plus avantageux pour les propriétaires de sociétés privées de choisir de se verser un salaire, plus qu’un dividende.

Voici quelques stratégies pour éviter la surimposition et le risque de perte de la DPE :

  • Souscrire une assurance vie
  • Cotiser à un régime de retraite individuel
  • Faire l’acquisition d’actions accréditives
  • Optimiser la gestion des placements
  • Optimiser le traitement fiscal
  • Profiter de la règle transitoire relative à l’IMRTD

Il ne faut pas oublier que chaque stratégie doit être adaptée à la situation du client et doit être réévaluée chaque année.