Une personne peut-elle cotiser au CELI de son conjoint ou de son conjoint de fait? Si un particulier fait don d’un montant à son conjoint afin que ce dernier le cotise à son CELI, les futurs revenus ou gains en capital découlant de cette cotisation seront-ils imposés entre les mains du conjoint qui a effectué le don?

L’alinéa 146.2(2)(c) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) est très clair au sujet du CELI : « l’arrangement ne permet pas à une personne autre que le titulaire d’y verser des cotisations ». En d’autres mots, seul le titulaire du CELI peut y cotiser. Toutefois, la LIR n’interdit pas à un particulier de faire don d’actifs à son conjoint aux fins de cotisation à son propre CELI.

En règle générale, si un conjoint effectue un don ou un transfert d’actifs et ne reçoit pas en échange une contrepartie dont la juste valeur marchande correspond au montant du don, les futurs revenus ou gains en capital découlant du don seront imposés entre les mains du conjoint qui a effectué le don et non entre celles du conjoint destinataire, en supposant que le conjoint qui a effectué le don soit encore un résident du Canada au cours de l’année où les revenus ou les gains sont déclarés. Ces règles d’attribution, qui ont pour objet de faire obstacle aux formes les plus simples de fractionnement du revenu et cessent de s’appliquer au décès ou à la cessation de la relation conjugale, sont définies aux paragraphes 74.1(1) et 74.2(1) de la LIR.

Ces paragraphes s’appliquent-ils aux dons utilisés par le conjoint du donateur pour cotiser à son propre CELI? En 2009, l’année de la création du CELI, une exception a été ajoutée à la LIR : en vertu de l’alinéa 74.5(12)(c), les règles d’attribution des paragraphes susmentionnés ne s’appliquent pas aux transferts à un conjoint si « les biens… sont détenus dans le cadre d’un compte d’épargne libre d’impôt dont l’époux ou le conjoint de fait est le titulaire ». Il faut, toutefois que « l’époux ou le conjoint de fait [n’ait] pas d’excédent CELI au moment où les biens sont versés au compte ». En d’autres mots, pourvu que la somme reçue par le conjoint destinataire soit cotisée à un CELI à son propre nom et ne dépasse pas ses droits de cotisation, tant que les fonds demeureront dans le CELI, tout revenu ou gain en capital découlant du don ne sera pas assujetti aux règles d’attribution.

Exemple :

Plus tôt cette année, Camille a cotisé le maximum à son CELI. Son conjoint François dispose encore de droits de cotisation de 10 000 $ à son propre CELI. Camille transfère donc un montant de 10 000 $ à François, et celui-ci cotise cette somme à son CELI. Plus tard la même année, François retire les 10 000 $ de son CELI. Ce retrait est-il imposable et dans l’affirmative, entre les mains de qui?

Le retrait n’est pas imposable, comme tous les retraits d’un CELI. De même, tout revenu ou gain en capital découlant de la cotisation est exempté des règles d’attribution et son retrait n’est pas imposable. Par ailleurs, imaginons que François réinvestit ensuite ces 10 000 $ dans un compte non enregistré et en tire, à une date ultérieure, un revenu ou un gain en capital. Que se passerait-il dans un tel cas?

Selon une interprétation technique #2010-0354491E5 de l’ARC, les règles d’attribution pourraient s’appliquer lorsque l’argent donné à un conjoint aux fins de cotisation à un CELI est ensuite retiré du CELI. Par conséquent, si François retirait de son CELI les 10 000 $ que lui a donnés Camille, les règles d’attribution stipulées aux paragraphes 74.1(1) et 74.2(1) de la LIR s’appliqueraient : si la somme était réinvestie, les revenus et les gains en capital découlant du don seraient imposés entre les mains de Camille.

Cette interprétation technique ne répond toutefois pas aux questions suivantes :

  • Si le CELI de François contient des fonds cotisés par lui-même en plus du don de Camille, le retrait subséquent serait-il réputé correspondre à ses propres cotisations ou au don de Camille?
  • Si le CELI de François a fructifié pendant la période entre la cotisation du montant donné par Camille et son retrait, quelle portion du retrait serait considérée comme un gain par rapport au montant initialement cotisé?

La réponse à ces questions permettrait de déterminer quelle portion du retrait serait assujettie aux règles d’attribution, mais il s’agit d’une zone grise.

Ce que peuvent faire les clients :

Les titulaires d’un CELI à qui leur conjoint à fait don d’une somme d’argent afin que celle-ci soit cotisée au CELI et qui veulent s’assurer que les règles d’attribution ne s’appliquent pas devraient envisager les mesures suivantes :

  • employer les fonds retirés du CELI à des fins personnelles ne produisant pas de revenu (p. ex., remboursements d’un prêt hypothécaire, achat d’une voiture, etc.);
  • employer les dons d’argent faits par le conjoint à des fins ne produisant pas de revenu, et cotiser à leur CELI à même leurs propres revenus; ou
  • établir un deuxième CELI pour y verser les dons faits par le conjoint, prévenant ainsi toute ambiguïté quant au traitement fiscal des fonds éventuellement retirés.

Le CELI est un instrument de placement souple, facile à utiliser et efficient. Cependant, comme la plupart des choses dans la vie, il faut bien planifier pour en retirer tous les avantages.